Editorial Voie Etroite N°261

Avril - Mai 2014

C.F. de Provence : le drame

Alors qu'en ce début d'année 2014 la situation des Chemins de fer de Provence semblait apaisée, la réunion du comité de ligne de novembre dernier ayant permis de confirmer la poursuite des investissements tant sur la voie que sur le matériel, la nature est venue stopper net le train reliant Nice à Digne le 8 février dernier. Mais si l'autorail AMP 801, un automoteur pratiquement neuf et de conception robuste, a bien été heurté par un rocher de 20 tonnes tombé de la falaise surplombant la voie, occasionnant la mort de deux passagères et des blessures sur huit autres, c'est toute la circulation qui s'est trouvée à l'arrêt sur cette ligne de montagne. Cette improbable rencontre, avec un train toutes les trois heures et la chute d'un rocher déclenchée (naturellement) à la seconde près, a donc provoqué, par médias nationaux interposés, et le sacro-saint principe de précaution appliqué avec célérité par les responsables de la gestion des catastrophes naturelles, la mise en sommeil de toute une vallée ; la route ayant été fermée dans la foulée, pour faire bonne mesure. Et comme il s'agit d'une catastrophe de portée nationale, comme tout accident impliquant un convoi ferroviaire, le ministre des Transports lui-même s'est déplacé de Paris pour réconforter les victimes ou leur famille. Si ce geste a été apprécié, on aurait aimé qu'il soit accompagné de mesures d'urgence apportant l'aide de l'Etat pour la remise en marche de ce chemin de fer d'intérêt général, rassurant ainsi les cheminots de Provence qui donnent tant pour leur ligne au service du public. Imaginons un instant le ministre se déplaçant d'accident en accident routier mortel et fermant les routes à la circulation pour une durée indéterminée : un emploi du temps bien garni !
La suite des décisions a malheureusement prouvé la puissance du lobby routier, puisque, avant même le relevage de la rame accidentée, une déviation de la N 202 était construite avec la constitution d'un merlon de protection au pied de la colline permettant sa réouverture dès le 4 mars et l'annonce d'un délai de six mois pour celle de la voie ferrée, sa plate-forme étant indispensable au système de défense mis en place (?). On sent derrière ça les promoteurs de l'autocar (moderne et confortable ?) qui le disent prêts à remplacer les 2000 km de lignes TER en projet d'abandon par RFF.
Heureusement que la mobilisation des élus locaux et des agents du chemin de fer, relayée par les supporters de cette ligne magnifique indispensable à l'économie de l'arrière-pays, a fait prendre conscience aux décideurs de la portée des mesures qu'ils ont prises dans l'urgence ; souhaitons que la réouverture se fasse au plus vite et que cette nouvelle attaque contre le rail ne soit plus qu'un mauvais souvenir. Ah, si nous étions en Suisse…

Alain Blondin

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